Heureusement que nous nous sommes réuni-es pour de vrai à cette rentrée ! Car pour construire l’expression commune de ce que nous vivons, et la manière dont nous allons nous battre pour l’école, nous avons besoin de nous voir.
Qu’est-ce que la stratégie du choc ? Ce concept a été développé par la journaliste canadienne Naomi Klein dans un ouvrage éponyme. Il désigne la déstructuration de l’Etat Providence, et la privatisation généralisée des services publics engagée par les milieux d’affaires et les gouvernements néo-libéraux. Cette libéralisation à outrance se met en place de manière opportuniste à l’issue d’une crise majeure, d’un choc qui créé la sidération de la population. Naomi Klein construit sa démonstration autour de deux exemples majeurs. Le coup d’Etat de Pinochet au Chili et le régime de terreur qu’il installe (tortures, exécutions, détentions, exils) créée ainsi les conditions favorables à la privatisation et la dérégulation généralisée de l’économie chilienne. Dans les Etats du Sud des Etats-Unis, le passage du cyclone Katrina et l’impact qu’il a sur les conditions de vie de populations pauvres, voire marginalisées, constitue l’opportunité pour une privation massive du service public d’éducation.
Appliquer ce concept pour caractériser la politique éducative de JM Blanquer relève donc d’amalgames et d’exagérations contre-productives. Le projet de Blanquer pour l’école s’inscrit évidemment dans une logique d’ensemble aux conséquences bien identifiées que le SNUipp a raison de dénoncer : renforcement des inégalités scolaires, mis au pas des pratiques enseignantes, dérégulation des droits des personnels. Mais il est sans commune mesure avec la stratégie du choc décrite par N. Klein. Cette catégorisation abusive n’aide ni les équipes militantes, ni la profession à mieux comprendre et combattre l’actuelle politique. Elle participerait d’une fragilisation des analyses du SNUipp-FSU en les enfermant dans une forme de prêt-à-penser.
Le paritarisme est mis à mal, le cadre collectif à l’intérieur duquel nous pouvions construire la défense individuelle des collègues est tellement affaibli que nos militant-es sont submergé-es par des situations et des accompagnements individuels sans réponse et sans fin. Nous devons donc réussir à être auprès de nos collègues, et à recréer une envie de mobilisation pour une fonction publique paritaire. Pour cela, il nous faut parler concret, parler règles collectives de mouvement et de promotion, barèmes, équité et transparence… les collègues ne se mobiliseront pas contre un épouvantail nommé de façon incantatoire « stratégie du choc », ils et elles se mobiliseront peut-être, par contre, pour le paritarisme, pour l’équité, la transparence et le pouvoir d’intervenir rendu à leurs représentant-es élu-es.
Le métier est mis à mal. Blanquer n’assume pas ses responsabilités de protection des enseignant-es et des élèves, et se défausse sur une gestion locale chaotique de la crise COVID. Aucun moyen exceptionnel n’est créé pour faire face à cette rentrée exceptionnelle, on ne recrute même pas les listes complémentaires mais des contractuel-les.
A l’exact opposé de ce désinvestissement du ministre sur ce qui lui incombe, Blanquer impose plus que jamais ses tests standardisés pour piloter notre travail. Evaluations, priorités pour resserrer et réduire notre enseignement. Formations en constellation, pourquoi pas, mais pour mettre en œuvre les fondamentaux et pas ce qui permet aux élèves d’apprendre. Là aussi, invoquer la « stratégie du choc » aidera-t-il nos collègues à reprendre la main ? Bien sûr que non, par contre il est urgent de nourrir notre campagne sur le métier d’éléments et d’infos qui aident concrètement nos collègues à ne pas aggraver les inégalités entre élèves à leur corps défendant.
Les directions d’école continuent d’être malmenées ? Les formateurs-trices vont être obligés de concentrer la formation sur les résultats des évaluations nationales ? Revendiquons avec elles et eux les moyens de garder le sens de leurs missions. Ne leur parlons pas d’une « stratégie du choc » qui ne leur servira à rien, mais proposons-leur de défendre avec nous, avec toute la profession, l’identité professionnelle du 1er degré. C’est ce qui a permis de réussir les mobilisations contre la loi Blanquer en 2019 : formulons que le sens du métier des un-es est solidaire du sens de la fonction et des missions des autres.
Le SNUipp-FSU ne sera pas hors sol comme l’est le ministre. Nous ne porterons pas la « stratégie du choc », mais la défense collective de l’école que nous voulons, dans la fonction publique que nous voulons. En donnant à nos collègues les éléments concrets pour les décider à se battre avec nous.
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